Evaluation

DNN – une plateforme d’actualités à base de blockchain et résistante à la censure

Fake News

Aperçu

Pour comprendre la proposition de l’équipe derrière le projet DNN, il est préférable de commencer par un bref aperçu des problèmes que nous voyons aujourd’hui par rapport aux médias d’internet qui proviennent principalement de deux sources.

Premièrement, il y a la prédominance d’un petit nombre d’acteurs qui capturent un pourcentage disproportionné du public et qui exercent en conséquence ce que beaucoup considèrent comme une influence indue sur le public. Le phénomène est tellement connu, bien sûr, qu’il a même sa propre page Wikipedia.

Le deuxième problème- qui s’est largement imposé en réponse au premier – est que l’Internet lui-même a ouvert la voie à un paysage médiatique alternatif qui, tout en démocratisant l’arène dans un certain sens, a également posé ses propres problèmes, notamment en ce qui concerne la qualité du contenu proposé et une baisse de maturité journalistique. S’il ne s’agit pas ici de mettre tous les médias alternatifs dans le même panier puisque certains d’entre eux sont notamment excellents.

Dans le cas des médias grand public, ses problèmes sont bien documentés depuis quelques décennies déjà, notamment par un ensemble d’œuvres classiques dont The Media Monopoly de Ben Bagdikian, Manufacturing Consent de Noam Chomsky et Flat Earth News de Nick Davies.

Le travail de Bagdikian met l’accent sur les questions découlant de la concentration excessive des médias entre les mains d’un nombre réduit d’entreprises. Chomsky se focalise sur le même sujet mais son analyse intègre également l’influence indue de l’industrie publicitaire, des tendances idéologiques et des critiques politiques comme facteurs majeurs dans l’asymétrie du contenu publié par la presse traditionnelle.

Le livre de Davies, par contre, se concentre sur la profession journalistique elle-même qui, selon lui, est de plus en plus dictée par des préoccupations commerciales qui minent le journalisme d’investigation traditionnel. Ce type de journalisme est considéré comme exigeant en ressources et n’est pas particulièrement rentable, et il est en train de perdre du terrain au profit d’une sorte de journalisme d’usine basé sur des communiqués de presse qui accorde la priorité à la quantité.

Dans le cas des médias d’internet, vous pouvez également inclure ces titres de clickbait – piège à clics – qui privilégient les exagérations et les distorsions qui y sont associées afin d’attirer le plus grand nombre de visiteurs sur leurs sites.

Le problème est donc omniprésent. Et en réponse à cela, toute une série d’initiatives de type journalisme indépendant et citoyen ont vu le jour. Bien que certains d’entre eux produisent un journalisme de première qualité, ils n’ont pas réussi collectivement à détourner le grand public de ces mastodontes des industries médiatiques. Il ne s’agit pas d’un reproche en tant que tel, mais plutôt d’un reflet des rapports de force.

C’est donc dans ce contexte que l’équipe derrière DNN (Decentralised News Network) croit avoir une proposition intéressante. Ils s’emploient à créer une économie de l’information basée sur la blockchain qui, à son tour, tire parti de la décentralisation inhérente à la technologie pour offrir une plate-forme qui vise une production de haute qualité, à la fois à l’abri de la censure et de l’éventail d’influences néfastes évoquées plus haut.

Livre blanc

Il y a deux pierres angulaires derrière la proposition de DNN qui sont élaborées dans le livre blanc. Premièrement, DNN propose un modèle de production d’informations qui voit les lecteurs eux-mêmes dicter les sujets sur lesquels ils souhaitent se renseigner. Alors que les écrivains pourront continuer à créer du contenu selon le modèle traditionnel, les lecteurs pourront également inciter les journalistes à s’impliquer dans certains sujets qui les intéressent. La relation entre l’écrivain et le lecteur n’est donc plus unidirectionnelle.

Deuxièmement, DNN cherche à trouver une solution aux questions soulevées par le phénomène du journalisme douteux ou fake news. Ce dernier ne relève pas d’un phénomène nouveau, évidemment, mais simplement d’une expression à la mode sous l’administration Trump. Mais, pour confronter le phénomène, les créateurs de la plate-forme proposent un modèle de validation de contenu. L’idée est qu’aucune nouvelle ne sera publiée sans avoir été approuvée par un ensemble d’intervenants anonymes qui vérifient le bien-fondé des faits. Nous y reviendrons plus en détail ci-dessous.

Modèle économique du token

Pour comprendre l’économie DNN, il faudra regarder les quatre types d’acteurs du réseau.

Éditeurs: Malgré le nom, ce sont plutôt les nœuds de la blockchain DNN. Ils sont l’équivalent des mineurs du réseau Bitcoin. Au lieu d’être récompensés en BTC pour avoir miné les transactions, les éditeurs sont payés en token DNN afin de héberger et assurer le contenu.

Chaque éditeur aura une copie identique de tous les articles qui résident sur le réseau. Les éditeurs sont récompensés en proportion du montant des tokens DNN qu’ils détiennent, ce qui revient essentiellement à un modèle de distribution de récompenses Proof-of-Stake pour les mineurs.

Les écrivains: Les écrivains – qui peuvent être des journalistes professionnels ou des free-lancers à temps partiel – gagnent des tokens DNN de diverses manières : ils sont payés en DNN pour toute contribution qui finit par être publié sur le réseau, mais sont récompensés également pour toute proposition de contenu éventuellement assimilée par leurs pairs.

Critiques: Ce sont les acteurs du réseau qui sont responsables de la validation du contenu avant que celui-ci ne soit publié. Ils sont chargés de déterminer si le contenu est factuel et s’il respecte les directives de la plateforme DNN sur le plan journalistique.

Bien entendu, rien ne garantit qu’un critique s’acquitte de son rôle avec diligence. C’est la raison pour laquelle tout le contenu est soumis à tout un ensemble de critiques (sept individus) qui restent anonymes les uns par rapport aux autres. L’idée est qu’avec une approche de type loi des plus grand nombres (même si le nombre cité n’est pas si grand que ça finalement), les critiques fiables auront tendance à être plus nombreux que les contributions des mauvais acteurs.

Et puisque chaque critique est suivi par un score de réputation qui évalue sa performance par rapport à ses pairs, les mauvais finiront par se faire virer de la plateforme et/ou recevront zéro rémunération pour le travail qu’ils rendent à la plate-forme.

Une fois de plus, les incitations sont alignées pour encourager la production d’un contenu fiable, d’autant plus que les critiques eux-mêmes devront contribuer un certain nombre de DNN afin de présenter leur candidature pour l’article en question. Si le verdict rendu par un critique va à l’encontre de celui de la majorité – défini comme étant le verdict correct – alors ils perdront leur mise.

Lecteurs: les consommateurs qui apportent de la liquidité au réseau en payant pour les services en question. Certains gagneront cependant de la DNN en proposant des sujets qui, s’ils finissent par être adoptés par un journaliste et publiés par la suite, se traduiront par une récompense pour le lecteur lui-même en proportion du nombre total de récompenses alloué par le réseau pour l’article en question.

Feuille de route

La feuille de route se concentre sur deux aspects essentiels du projet : la sortie de la plate-forme elle-même (Q4 2018: version bêta / Q1 2019: libération de la plateforme) qui ne devrait pas avoir trop de difficultés à respecter son échéance, étant donné que la plate-forme intégrera des services tiers préexistants pour faciliter sa construction.

Parmi ces services, on trouve Ethereum pour l’aspect blockchain de l’architecture de la plate-forme; IPFS pour le stockage des fichiers – mais seules les références de crypto-hachage des articles seront stockées sur la chaîne de blocs pour assurer l’intégrité de leur contenu, les articles eux-mêmes étant stockés hors chaîne; et enfin ZeroNet, une architecture web distribuée qui sera nécessaire pour s’assurer que la plate-forme ne repose pas sur des serveurs web centralisés traditionnels qui forment un vecteur d’attaque pour les mauvais acteurs souhaitant faire tomber le réseau.

Après la sortie de la plateforme, la mission du projet sera alors centrée sur la croissance du réseau et la signature de partenariats qui lui donneront une visibilité globale.

L’équipe

Les deux fondateurs du projet sont Samit Singh (CEO) et Dondrey Taylor (CTO), des collaborateurs de longue date qui sont également derrière la plateforme MiniChat – une plateforme de rencontres à base de vidéo.

Ils partagent également une expérience dans le domaine de l’exploitation minière en crypto-monnaie, ayant mis en place ensemble une plate-forme minière Ethereum. Tandis que Taylor se concentre davantage sur le développement full-stack classique, Singh s’occupe plutôt des aspects UX/UI de leurs projets.

Ca fait à peu près dix-huit mois, au moment de la rédaction de ces lignes que Singh et Taylor prépare le projet. Quinze autres membres de l’équipe – dont douze listés comme conseillers – peuvent également être trouvés sur le site Web du projet qui fournit également une mini-biographie pour chacun.

Conclusion

Il existe actuellement un certain nombre de plateformes médiatiques basées sur la blockchain. DNN se démarque, par contre, en raison de sa proposition qui permet aux lecteurs de dicter une partie du contenu de la plateforme.

A juger de ses 100 000 adhérents sur son canal Télégramme, il semble y avoir un grand nombre de personnes pour qui le parti pris médiatique est un sujet passionnant.

Pour conclure, DNN propose une plateforme résistante à la censure, qui démocratise la publication tout en fournissant un service de pré-validation du contenu de chaque article publié sur internet: nous avons affaire à une proposition intéressante. A surveiller.

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